Nous voyons l’urbanisme transitoire comme un outil pour questionner et réinventer la ville dans des temps plus court et de manière expérimentale. Il permet d’expérimenter des solutions à la fois pragmatiques et poétiques, qui ne figent pas l’espace urbain dans un état définitif, mais au contraire, le rendent évolutif et appropriable. C’est peut-être un moyen de se rapprocher de la vision d’Henri Lefebvre dans Le Droit à la Ville, où il décrit l’évolution de l’espace urbain comme un passage de la « valeur d’usage » à une « valeur d’échange », façonnée par ceux qui l’habitent et le transforment au quotidien.
C’est aussi une manière de concevoir la ville comme un organisme vivant, un territoire en perpétuelle transformation, façonnée par ceux qui l’habitent. Nos mobiliers cherchent à révéler ce potentiel en travaillant avec des matériaux bruts, avec l’existant, en s’inscrivant dans une temporalité assumée où l’éphémère devient une force de proposition.
L’urbanisme transitoire, pour nous, ce n’est pas seulement une question d’aménagement temporaire, c’est une posture qui interroge la manière dont on construit la ville : comment faire avec moins ? Comment s’appuyer sur ce qui est déjà là ? Comment proposer des usages ouverts et non prédéfinis ?
L’espace public doit rester un espace de liberté et de possibilité. L’urbanisme transitoire permet d’éviter la standardisation et de proposer des alternatives plus sensibles et contextuelles.
Nous considérons que l’espace public ne doit pas être pensé uniquement par des logiques fonctionnelles ou normatives, mais aussi par des expériences à vivre, des espaces à « habiter » comme nous habitons nos maisons, nos appartements, nos intérieurs.
Notre catalogues de mobiliers cherche à ouvrir ces possibles, en donnant aux habitants les moyens de s’approprier autrement leur environnement, par des formes qui laissent place à l’imaginaire, à l’invention à l’appropriation.
Marseille est une ville de contrastes : une minéralité très forte, une relation puissante au paysage, un rapport direct avec la Méditerranée et un climat exigeant. D’une manière générale, nos mobiliers s’inscrivent dans cette réalité où l’on a essayé de travailler avec ces matériaux issus du territoire, en concevant des formes qui dialoguent avec la géographie et le contexte urbain.
Ces mobiliers ne sont pas des objets standards posés dans l’espace public. Ce sont des dispositifs conçus pour interagir avec le climat, le vent, la lumière, la chaleur. Ils cherchent à matérialiser une nouvelle manière d’habiter la ville : plus instinctive, plus ouverte, plus en lien avec le territoire marseillais.
La place Fayolle est le premier site où nous installons du mobilier issu, c’est une installation pionnière, une première mise en situation qui permet d’expérimenter ces objets dans l’espace public et d’observer leur réception par les habitants.
Nous assumons pleinement cette esthétique qui, loin d’être une simple provocation ou un acte de négligence, est avant tout une réponse à notre manière de travailler. Cette esthétique brute n’est pas un geste gratuit ou d’erreur, au contraire pour nous elle raconte une histoire, celle d’un territoire, de sa transformation, des traces de l’extraction de la matière, de la main et de l’outil des artisans… Elle raconte la manière dont on peut fabriquer autrement. Elle invite aussi à poser un regard neuf sur l’espace public et à questionner nos habitudes.
L’appropriation ne se décrète pas, elle se construit dans le temps et par l’usage. C’est pour ça que nous pensons ces mobiliers non pas comme des objets figés, mais comme des formes ouvertes qui laissent la place aux habitants pour s’y projeter.
Dans le catalogue nous avons travaillé tous les mobiliers avec des volumes simples, des matériaux massifs, des dispositifs qui permettent différentes postures et qui ne définissent pas d’emblée une manière unique de les utiliser.
Nous voulons que ces objets suscitent la curiosité, qu’elles incitent à expérimenter, à détourner, à créer de nouveaux usages qui dépassent ceux que nous avons imaginés.
L’esthétique dans l’espace public n’est pas un simple coup de vernis pour le rendre plus attractif. C’est un vrai levier de transformation et de structuration du lieu, un moyen d’influencer les usages et de révéler de nouvelles interactions entre les habitants et leur environnement.
Par exemple, nos mobiliers ne cherchent pas à s’effacer dans le paysage urbain, mais à dialoguer avec lui. À Marseille, ville minérale et contrastée, les formes s’intègrent tout en interrogeant le regard. L’échelle de nos interventions, le choix des matériaux bruts et leur mise en œuvre volontairement minimale participent à une esthétique qui ne fige pas l’espace mais l’anime. La pierre garde ses aspérités mais est très lisse à la fois, le bois garde son aspect naturel et massif mais reste à la fois agréable pour s’adosser, l’acier peint donne de la couleur qui signale une présence structurelle. Ces choix ne sont pas anodins : ils donnent à voir la matière telle qu’elle est, dans toute sa force expressive, et favorisent une appropriation plus intuitive et spontanée.
Notre approche de l’esthétique c’est avant tout une réflexion sur la manière dont l’espace public est perçu, vécu et transformé au quotidien. Nos mobiliers ne sont pas de simples objets, ils sont de petits catalyseurs, des éléments qui invitent à réinvestir la ville autrement. Ils intègrent dans leur dessin, dans leur formes les possibilités de leur appropriation. Ce sont des mobiliers à forte « affordance ». L’affordance est un anglicisme qui désigne la capacité d’un acteur à saisir ses possibilités d’actions sur un élément, un objet. Double sens « être en mesure de faire quelque chose et offrir ». Cette action implique une attention particulière à l’échelle de l’objet, du micro-usage. Il s’agit de dépasser la question de la commodité et du fonctionnel, de saisir l’opportunité complice de l’expérience de l’usager, de cultiver la sagacité de celui ou celle qui cherche à s’installer dans son environnement.
Construire une famille d’objets : dessin et appropriation des usagers
La recherche d’un dialogue complice avec les usagers et habitants du projet nous ont poussé à dessiner des objets lisibles et presque « minimalistes ». Le minimalisme permet d’acquérir une forme d’indétermination et de laisser une place aux usages spontanés. Et ce minimalisme ”expérimental” est une mise en critique du fonctionnalisme : plutôt que d’assigner des fonctions ou des règles à tel ou tel objets, il s’agit pour nous de dessiner des terrains d’action et d’invention pour l’usager.
Matériaux : faire avec ce qui existe
Nous avons travaillé avec des blocs de pierre directement issus des carrières, sans transformation superflue, en valorisant des matières qui n’ont pas de valeur commerciale mais qui possèdent une richesse intrinsèque très forte. Les bancs, plateaux de table, assises et blocs de leste qui forment la structure du projet de mobilier sont directement issues des coupes de blocs marbriers, sans transformation et acheminées depuis la carrière dans nos ateliers.
Travailler avec le temps et l’usage
Les mobiliers ne sont pas figés. Ils sont conçus pour s’inscrire dans un temps long, pour être déplacés, transformés, réemployés sur d’autres sites. Nous avons imaginé un mobilier qui puisse être « augmenté », enrichi d’usages successifs, en fonction des appropriations qui en seront faites.
Proposer une nouvelle relation à l’espace public : usages, variations et adaptations
Nous ne voulions pas produire simplement des bancs et des tables, mais proposer des formes et des installations qui changent la manière dont on perçoit et utilise la ville. Des formes qui s’intègrent dans un récit territorial, qui dialoguent avec l’histoire minérale de Marseille, qui s’ancrent dans une culture méditerranéenne et qui répondent aux enjeux climatique actuel et de la ville.
Notre objectif est de proposer un mobilier qui ne soit pas seulement un objet fonctionnel, mais une invitation à expérimenter autrement l’espace public, à le percevoir différemment, à le vivre autrement.