Marseille Solidaire : Rue Tivoli : Un drame qui marquera durablement Marseille

Après le drame de la rue Tivoli, Didier Jau, maire des 4e et 5e arrondissements répond à nos questions.

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Monsieur le Maire comment avez-vous appris la catastrophe de la Rue Tivoli (5e) ?

Toute ma vie, je me souviendrai de cette nuit. Dimanche 9 avril juste après minuit je me trouvais chez moi en train de dormir. Dés que j’ai appris les faits, vers 1 h du matin, je me suis rendu immédiatement sur place. En arrivant, j’ai croisé des Marseillaises et des Marseillais hagards, marchants dans des débris de verre, sortis du lit par les marins pompiers et la police municipale.

Benoît Payan, le maire de Marseille était déjà sur place. Nous avons vite compris la gravité de la situation et qu’une explosion avait précédé l’effondrement de l’immeuble du 17 de la rue Tivoli.

Je peux témoigner qu’avec l’Amiral Lionel Mathieu, commandant du Bataillon des Marins Pompiers, ils ont agi avec un discernement exemplaire pour limiter les victimes en préservant la sécurité des femmes et des hommes du bataillon des Marins-Pompiers.

Dimanche matin avec l’effondrement du bâtiment du 15 et d’une partie du 19 la catastrophe a pris une nouvelle ampleur nous faisant craindre pour les bâtiments alentours.

J’ai vu les marins pompiers, les services de la ville de Marseille, la police municipale et nationale, le SAMU mener un travail remarquable. Le cap fixé par le Maire de Marseille était clair : sauver les vies, protéger les habitants.

Nous avons vite su que plusieurs personnes vivant dans le bâtiment du 15 étaient portées disparues. Tout a été mis en œuvre pour les retrouver.
L’intensité du feu qui s’est déclaré dans les décombres a empêché les secours de rechercher rapidement les victimes notamment en rendant impossible l’intervention des chiens de recherche.

Le premier bilan de quelques blessés était sans commune mesure avec la violence de la catastrophe. Les marins pompiers m’ont expliqué plus tard que par chance l’explosion est survenue quand la plupart des personnes étaient couchées. Les murs les ont abrité du souffle et des débris projetés.

Lentement, patiemment les marins pompiers ont refroidi le sinistre permettant d’avancer dans les recherches. Nous avons voulu y croire jusqu’au bout. Malheureusement les huit occupants de l’immeuble présents au moment de l’explosion sont morts.

Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans les jours qui ont suivi ?

Beaucoup de choses. C’est évidemment une expérience qui transforme celles et ceux qui la vivent. Au premier rang je pense à ces plus de 300 personnes qui ont du quitter en quelques minutes leur logement. Ce lieu ou l’on se sent en sécurité, à l’abri est d’un coup devenu synonyme de danger. J’ai échangé avec beaucoup d’entre eux, certains sont viscéralement attachés au Camas – à leur quartier – et espèrent y retourner au plus vite. D’autres souhaitent déménager changer d’environnement.

La seconde chose qui m’a marqué c’est dès le dimanche matin l’élan de générosité des Marseillaises et des Marseillais. Des parents d’élèves des écoles du quartier, aux salariés de la Carsat, des commerçants des 4e et 5e arrondissements, aux associations sportives sous forme de dons financiers ou en nature, d’offres d’hébergement, de gestes solidaires en direction des marins pompiers et des policiers… En quelques jours ce sont près de 10 tonnes de dons qui ont été recueillis en mairie de secteur.

Je veux le dire haut et fort aux Marseillaises et aux Marseillais : vous êtes formidables !

Je veux le dire haut et fort aux Marseillaises et aux Marseillais : vous êtes formidables !

Un journaliste m’a demandé si j’étais prêt à vivre un tel moment. Je crois que personne n’est individuellement prêt à gérer une telle situation. Mais chacun devient un maillon, un élément de ce dispositif, qui permet d’affronter ensemble la catastrophe. Et comme élu je ne peut qu’être satisfait de la réactivité exceptionnelle dont on fait preuve les services municipaux.

Bien sûr le Bataillon des Marins-Pompiers qui une nouvelle fois a fait la démonstration de son excellence et de son entier dévouement à protéger les Marseillaises et les Marseillais.
Mais aussi – et tout le monde l’a noté – un incroyable engagement des services municipaux. Présents en nombre et en qualité dès les premiers instants. Nous avons ouvert et équipé un gymnase et deux écoles afin d’accueillir les familles évacuées, installé une cellule d’aide psychologique ainsi qu’une ligne téléphonique d’urgence en un temps record.

Des hébergements d’urgence à l’hôtel ont été pris en charge par la Ville pour toutes celles et tous ceux qui n’avaient pas trouvé de solutions.

Depuis sans relâche, sans compter les heures, les agents municipaux accompagnent les personnes prises en charge. Le gymnase Vallier s’est très vite transformé en une petite mairie, regroupant tous les services nécessaires : médicaux, psychologiques, juridiques, administratifs. Un lieu de soutien, d’écoute ou l’on a pu trouver le service logement de la Ville, le service éducation, un bureau municipal de proximité pour refaire ses papiers d’identité.

Le Maire de Marseille a interpellé les assureurs pour une prise en charge plus efficace des sinistres et les plateformes de logement saisonniers pour aider au relogement dans le quartier.

Passé la stupeur des premiers instants, ce qui m’a le plus marqué c’est cette mobilisation solidaire, efficace, à la hauteur du drame que nous vivons.

Quelles sont maintenant les perspectives pour le quartier ?

Nous sortons de la gestion de crise pour aller vers une gestion sur un temps long. Déjà 138 habitantes et habitants de 19 immeubles sur les 44 évacués ont repris possession de leur logement après le passage d’une triple expertise pour écarter tout les risques.
Les occupants de 8 immeubles sont en attente d’expertises complémentaires. Ils réintègrent leur logement progressivement quand les doutes sont levés. Je l’espère très vite.
Pour les 17 immeubles restants ce sera plus long. Chaque immeuble, chaque famille est dans une situation différente. En mairie de secteur avec l’appui des services centraux de la Ville, nous organisons régulièrement des temps d’information avec les personnes évacuées. Leur suivi se poursuivra aussi longtemps que nécessaire.

Je veux aussi saluer le moment d’unanimité observé lors du conseil d’arrondissement du jeudi 13 avril. Il a été ouvert par Benoit Payan le maire de Marseille et a marqué l’engagement de l’ensemble des élus quelques soient leur sensibilité politique.

Nous avons des projets pour ce beau quartier du Camas, plan de libération des trottoirs avec la suppression progressive du stationnement à cheval, requalification de la Place Sébastopol… Nous allons les réétudier pour prendre en compte les impacts de la catastrophe de la Rue Tivoli.

Les personnes évacuées se sont constituées en collectif, c’est une excellente chose. Cela permet de construire une parole collective. Le futur de la rue Tivoli se fera forcément avec eux. Le Camas et au-delà tout Marseille a été marqué par ce drame. Il faudra pouvoir s’en souvenir à travers un espace mémoriel. Tout cela est à construire mais l’heure n’est pas tout à fait encore à cela.

Le Camas a été meurtri, mais de nouveaux liens forts et solidaires se sont noués à l’occasion de ce drame. Entre les habitants, avec les acteurs du quartier, avec les services publics de la Ville de Marseille.

C’est une force qui compte et qui comptera pour l’avenir de ce quartier comme pour l’ensemble des 4e et 5e arrondissements.